Cap Protéines L’association maïs et haricot déçoit un peu
Un premier essai associant maïs et haricot n’a pas permis de récolter un fourrage suffisamment riche en MAT. Mais cette piste pourrait être explorée avec de nouvelles modalités.
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De nombreux travaux sont conduits dans le cadre de Cap Protéines afin d’aider les éleveurs à réduire leurs achats de correcteurs azotés. Les systèmes laitiers basés sur le maïs dépendent en effet de ces sources, souvent importées, pour équilibrer la ration. Certains pays tropicaux associent depuis longtemps des légumineuses et du maïs au champ afin de récolter un fourrage équilibré. Cette piste est explorée de deux manières. La première consiste à implanter ces légumineuses tropicales en France (voir l'encadré ci-dessous). La seconde s’appuie sur l’utilisation de légumineuses vivant dans les régions tempérées.
Responsable de projet au service fourrages de pastoralisme de l’Idele, Patrice Pierre a mené un essai de ce type à la ferme des Bouviers (Morbihan) en 2023 dans le cadre d’un projet Casdar (Tropi’cow). Le semencier Mas Seeds y a été associé. «Nous voulions d’abord analyser le comportement agronomique de l’association, en matière de mise en place et de rendement, tout en approchant la valeur nutritive du fourrage», détaille Patrice Pierre.
Sécuriser le semis
La première question était celle de la technique de semis, dans un souci de ne pas la complexifier. Pour ne pas avoir à semer de façon décalée, il fallait que les graines s’écoulent de manière régulière et donc que le poids des 1 000 grains soit équivalent pour les deux espèces. Des graines de haricot répondant à cet objectif ont été trouvées et cet obstacle a été levé.
Pour le maïs, trois niveaux de précocité différents ont été retenus. Le semis a été réalisé avec une densité de 95 000 pieds/ha. Trois dosages de semis ont été effectués pour le haricot, à raison de 15, 30 et 50 % du maïs, afin de voir le lien entre la densité et la contribution du haricot dans le fourrage. L’implantation a été faite sur des bandes de 90 mètres de long, fin mai 2023. De petites pluies dans les jours suivants ont favorisé une bonne levée. Mais les choucas ont attaqué la parcelle, malgré de multiples tentatives d’effarouchement. Ils ont prélevé environ 20 % des graines de maïs et 8 % de celles des haricots.
La parcelle a été conduite comme un maïs classique, derrière un RGI. La ferme des Bouviers cherche à limiter l’usage des produits phytosanitaires et pratique le désherbage mécanique. Un binage réalisé un peu tardivement n’a pas suffi à contenir la présence des chénopodes. Aussi la question des matières actives pouvant être utilisées dans ce type d’association reste-t-elle posée.
La date de récolte a été choisie en fonction de la maturité du maïs en visant une teneur en matière sèche de 35-38 %. Les haricots présentaient alors un grand volume de végétation, avec des gousses pleines et des grains mûrs, mais encore des fleurs et des gousses en formation. Les variétés choisies ont une croissance infinie et poursuivent leur développement tant que les conditions le permettent. Certaines ont traversé l’interrang pour trouver un tuteur et Patrice Pierre s’interrogeait sur les complications que cela pouvait induire lors de la récolte. Il craignait que les plants soient arrachés et que de la terre se retrouve dans le fourrage.
Un rendement réduit de 20 à 25 %
Finalement, la récolte, réalisée à l’aide d’une ensileuse expérimentale, s’est déroulée sans problème. Chaque bande a pu être ensilée séparément afin d’en mesurer la productivité. Sur une longueur de 3 m, les plantes ont été récoltées à la main et les deux composantes ont été triées. « Nous voulions mesurer exactement la contribution des haricots en matière de biomasse et de valeur nutritionnelle », précise Patrice Pierre. En effet, il n’existe pas d’équation adaptée pour faire les calculs sur le mélange. Il s’avère qu’en présence des haricots, le rendement décroche de 20 à 25 %. On passe de 15 à 10-12 t de MS, en fonction des densités. Il existe donc une concurrence entre les deux espèces. « La végétation des haricots est riche en eau, elle donne du poids mais contribue peu au rendement. » Selon les modalités, elle représente de 400 kg à 1,9 t de MS/ha, soit une contribution de 3 à 17 % dans le mélange final. Avec des densités élevées, il peut y avoir de la verse. Par ailleurs, les observations révèlent une faible présence de nodosités dont le haricot a besoin pour fixer l’azote.
« En termes de MAT, on gagne seulement un ou deux points avec les haricots, ce qui est assez décevant », détaille Patrice Pierre. Il faudrait parvenir à au moins 4 ou 5 points pour que ce mélange soit intéressant sur le plan nutritionnel. D’autant plus qu’en raison du prix des semences notamment, le surcoût est évalué à 20 % par rapport à un maïs classique.
Ces premiers travaux se sont arrêtés à l’aspect cultural. Les sujets de la conservation du fourrage et de sa valorisation par les bovins n’ont pas été abordés à ce stade.
D’autres pistes à explorer
La réflexion se poursuit pour valoriser les informations issues de ce premier travail. Il pourrait être intéressant de chercher des variétés de haricots à croissance finie, qui parviendraient à maturité en même temps que le maïs. La végétation serait moins riche en eau et le volume de grains serait plus élevé. Cela laisse espérer une moindre pénalisation du rendement et un meilleur niveau de MAT dans le produit final. On pourrait également envisager un mélange privilégiant les haricots, le maïs jouant essentiellement un rôle de tuteur. Le fourrage produit devrait alors être plus riche en protéines. L’association pourrait aussi être tentée avec d’autres légumineuses que le haricot, ou encore en remplaçant le maïs par du sorgho. À la mi-février, le choix d’implanter une nouvelle parcelle d’association à la ferme des Bouviers n’était pas encore validé pour 2024.
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